Une expérience avec les professionnel-le-s du quartier Porte de Vanves du 14e arr. de Paris
Comment et pourquoi cette action a-t-elle été mise en place ?
L’équipe de développement local du 14e arr. de Paris (EDL14) a recueilli un ensemble de questionnements de la part des acteurs sociaux et éducatifs et de la part des habitants sur les relations tendues entre certains groupes de jeunes du quartier, ainsi qu’entre jeunes et adultes. La persistance de ces tensions renvoient, entre autres, à un conflit entre deux groupes de jeunes qui a aboutit, il y a plusieurs années, à la mort tragique de l’un d’eux. Les effets de cet événement perdurent et influent de manière négative sur l’environnement local alors qu’il existe un ensemble d’acteurs qui développent des différentes actions avec les jeunes.
Face à ce constat, pour créer une synergie positive et optimiser la capacité d’action collective, une formation-action de sept journées a réuni un ensemble d’acteurs-trices de terrain, en vue d’«Optimiser l’action collective pour prévenir et lutter contre les violences », sur le quartier Porte de Vanves.
Une expérience avec les professionnels du quartier Porte de Vanves du 14e arr. de Paris
Coordonné par l’EDL 14 et animé par l’ADRIC, ce projet a mis en réseau des personnels des centres sociaux, d’équipements sportifs, de l’habitat social, de régie de quartier, des équipes de prévention spécialisée ou encore des bénévoles d’association. L’objectif principal était de construire une mémoire partagée des différentes initiatives sur les violences agies et subies par les jeunes menées au sein de ce quartier. Cela afin de construire une approche commune sur les situations problèmes et sur les solutions.
Au cours de cette action, avec l’aide méthodologique et théorique de l’intervenant, les participant-es ont réfléchi sur les phénomènes rencontrés, échangé sur leurs expériences et se sont concertés sur la mise en place d’une dynamique partenariale entre les différents acteurs du territoire : acteurs associatifs et institutionnels oeuvrant dans le champ de l’éducation et de la socialisation des jeunes, professionnels de la médiation ainsi que parents et habitants.
Aussi, les participant-es ont créé ensemble une grille d’analyse des différents types de violences, réfléchi sur le rôle des divers acteurs dans la production et la reproduction de ces violences, et se sont penchés sur le rapport entre les violences agies et subies par les jeunes.
Par la suite, afin de partager le résultat de ce travail commun et de l’enrichir par la réflexion d’autres acteurs concernés, un forum a été ouvert à un plus large public, dont les habitant-es et élu-es du quartier. Ces nouveaux participants ont été invité à voter pour les propositions des professionnels et à proposer des idées complémentaires.
Les apports de la formation-action
Lors des séances de formation-action, les participant-es ont travaillé sur les problématiques suivantes :
– Comment reconnaître les différents types de violences ? Depuis les phénomènes de violence les plus manifestes – voire spectaculaires – qui visent l’intégrité physique des personnes, jusqu’aux violences qui peuvent paraître plus anodines (qu’elles soient verbales ou comportementales, subies ou agies);
– Quelles sont les causes et les conséquences de ces phénomènes ? Quels sont les facteurs qui les favorisent (aspects sociaux, psychologiques, éducatifs, etc.) ? Quels sont les liens entre les violences agies et subies ?
– Quel est l’impact des phénomènes d’exclusion et de discriminations (notamment celles liées au sexe et à l’origine) sur la propagation de ces violences ?
– Quel est le rôle des divers acteurs-trices dans ce champ (parents, professionnels éducatifs et socioéducatifs, groupes de pairs, habitants, médias, acteurs politiques) ?
– Quels sont les projets et interventions existants dans ce champ au niveau local ? Les acteurs qui les mènent sont-ils en lien ? Se connaissent-ils suffisamment ? Les actions existantes sont-elles connues des parents et des habitant-es ?
– Quels sont les acquis et les manques de ces actions ?
– Comment inscrire ce projet dans un cadre collectif en sollicitant les habitant-es à réagir aux propositions des professionnels et en les incitant à s’approprier le projet en partageant de nouvelles idées ?
Les perspectives d’actions développées
A travers le travail commun, une typologie basée sur une centaine de situations problématiques rencontrées par divers acteurs a été construite : violences physiques, verbales, intrafamiliales, conflits de groupes, violences sociales et institutionnelles, dégradation des espaces et conflits d’usage des espaces, phénomènes d’addictions, vols, sentiments de mal-être, refus de l’autorité. Pour mieux agir sur ces situations, plus de 200 pistes d’actions ont été suggérées par les stagiaires : certaines étaient immédiatement applicables ; d’autres nécessitaient une orientation, un appui, voire un engagement politique. Les pistes d’actions dégagées portaient sur les axes suivants :
– Organiser des forums participatifs permettant de : entendre les demandes des jeunes, relever leurs mécontentements, tenter de mettre en oeuvre avec les jeunes les activités auxquelles ils souhaiteraient participer, etc.
– Repenser l’aménagement, la décoration, l’entretien et l’animation des espaces collectifs.
– Transmettre des techniques de médiation, notamment à des gardiens d’immeubles et/ou des équipements sportifs, ce qui favoriserait leurs compétences de régulation.
– Former et/ou sensibiliser des professionnels sur les aspects juridiques pour mettre en oeuvre des chartes résultant d’une concertation avec les usagers.
– Mettre en place des temps d’écoute et d’accompagnement psychologique pour les professionnels rencontrant des conflits récurrents.
– Améliorer les connaissances des règlementations et des règles d’usages des espaces publics (règles de sécurité, chartes des usages, application de la laïcité, lois relatives à la lutte contre les discriminations, etc.). Elles font parfois l’objet de modes d’application divers, d’interprétations concurrentes voire de confusion, ce qui peut générer des conflits.
– Développer des approches interculturelles afin de prévenir et réguler les incompréhensions, les conflits et les discriminations.
– Améliorer les compétences des professionnels dans l’accueil des publics diversifiés, notamment sur la gestion des conflits de communication et sur les manières de mieux expliciter les règles communes à respecter.
Conditions de réalisation et de réussite des pistes proposées
1. La volonté positive des acteurs institutionnels. La concrétisation des mesures nécessite une impulsion et des décisions institutionnelles et politiques. Les professionnels se sont investis dans la description et l’analyse des situations, dans la réalisation d’observations et d’entretiens, dans la formulation de pistes de travail et dans la conduite d’un dispositif participatif. Pour concrétiser certaines actions – qui nécessitent des décisions institutionnelles -, un portage politique est une conditions de réussite incontournable.
2. La qualification des acteurs de terrain demande une participation et l’investissement des professionnel-les participant-es. La réussite des actions de qualification exige le mise en oeuvre d’une démarche interactive articulant les apports théoriques multi-référentiels et l’échange des expériences.
3. L’activation d’un réseau de professionnel-les. Le degré d’engagement des divers partenaires concernés impacte la réussite des pistes d’action dégagées.
4. La participation citoyenne. L’engagement des habitant-es est un élément vital pour la réussite des actions proposées. La réalisation d’un forum participatif a été une première étape dans cette perspective qui doit être consolidée par les moyens données à la concrétisation des propositions.