Une expérience partenariale menée dans le 13e arr. de Paris
Pourquoi cette action a-t-elle été mise en place ?
L’école élémentaire Château des Rentiers, située dans un quartier politique de la ville, faisait le constat de certaines difficultés liées aux relations entre les parents, l’école et les élèves : confusion des rôles des co-éducateurs, méconnaissance du système scolaire par certains parents, difficultés communicationnelles, conflits entre enfants, etc.
Du fait de son expérience sur la parentalité en contexte de diversité socio-culturelle, l’Adric a été sollicitée par l’équipe de développement local (EDL) pour animer des rencontres entre les parents (pères et mères) et les professionnel-le-s (directeur, assistante sociale, EDL, partenaires locaux). Une réflexion commune a mené à la mise en place de l’action « Papothèque – une bibliothèque de la parole ».
L’objectif des papothèques est de faciliter la relation parents-école : autrement dit, de favoriser le contact, le dialogue, les échanges à l’aide d’une intervention extérieure et non prescriptive. Entre février et juin 2011, cinq rencontres ont permis de discuter librement des préoccupations des parents d’élèves. L’expérience a été renouvelée à la rentrée scolaire 2011-2012.
Quelles sont les préoccupations partagées ?
Lors des échanges dans le groupe, les participant-e-s définissent, avec la sociologue-intervenante de l’Adric, les sujets de discussion et de réflexion. Les sujets les plus fréquents tournent principalement autour de 3 préoccupations :
1) Les violences à l’école
Les échanges ont permis aux parents de constater la subjectivité de la notion de violence, chacun ayant sa propre vision. Un point a été précisé : la violence est un apprentissage et un conditionnement. En effet, un enfant qui commet des actes de violence est ou a été souvent lui-même exposé à de la violence. C’est notamment le cas des enfants provenant de pays en guerre, des enfants témoins de violences graves dans leur entourage proche. Ces formes de violence se retrouvent dans tous les milieux socioculturels. Il est important de réinscrire tout acte de violence dans un contexte social global, sans en faire une particularité propre à telle origine ou tel milieu.
2) L’accompagnement de la scolarité des enfants par les parents
Les parents participants ont posé la question de leur capacité à suivre la scolarité de leur(s) enfant(s). Les questions qui ont alimenté les débats, étaient les suivantes :
– Qu’est-ce que je connais des critères de notation à l’école et de leurs impacts sur la scolarité ? Est-ce que je connais les sanctions, les encouragements ; et comment dois-je réagir à ces situations ?
– Comment faire le suivi éducatif de mon enfant ? Comment l’aider si je ne sais ni lire ni écrire ? Quelle est ma place quand je ne maîtrise pas les enseignements donnés à mon enfant ?
3) La co-éducation
L’éducation des enfants se fait sur un mode collectif à travers les différents champs de socialisation de l’enfant, dont l’école fait partie. Ainsi, même si les parents ont leurs propres modèles éducatifs, l’ensemble des acteurs – chacun en fonction de ses compétences – participe à cette éducation. C’est pourquoi il est nécessaire de construire une parole collective entre ces différents acteurs, parents y compris, et d’élaborer des réponses à des questions telle que : comment, dans l’intérêt de l’enfant, s’accorder sur un discours commun concernant les règles de l’école qui ne sont pas toujours les mêmes que celles de la maison ?
L’espace et le temps prévus par les papothèques permettent aux parents et aux professionnel-le-s d’échanger leurs points de vue pour éviter les préjugés et les stigmatisations des uns et des autres.
Quelles sont les conditions nécessaires à la réussite d’une telle action ?
Tout au long du projet, les partenaires ont été à l’écoute des questionnements, des préoccupations, et des pistes de solution proposées par les parents. La Papothèque a ainsi été construite en fonction des besoins réels des participant-e-s. Parmi les autres conditions de réussite, nous notons :
– des réunions de travail régulières entre les partenaires pour construire le projet et l’adapter aux besoins exprimés ;
– l’adéquation entre les besoins des parents et les sujets définis comme support de discussion ;
– la cohérence de la démarche tout au long du processus : l’espace de la papothèque n’est pas devenu le lieu des doléances adressées à des représentants institutionnel-le-s, mais est resté un espace d’échange et de mise en synergie des idées ;
– une restitution à l’équipe éducative à mi-parcours qui a été accueillie favorablement et a intéressé les enseignants qui ont pu comprendre la démarche et les objectifs des séances.
Acquis et perspectives
Suite à cette action, les participant-e-s, régulier-e-s ou occasionnel-le-s, ont noté un certain nombre d’amélioration :
– Création d’un lieu d’écoute et d’échange entre parents où les professionnel-le-s adoptent une posture bienveillante d’écoute et de compréhension ;
– Mise en lien de parents de diverses origines socioculturelles qui habitaient le même quartier sans se connaître ;
– Meilleure connaissance pour les parents des instances représentatives de l’école, comme le conseil de l’école et les parents délégués ;
– Intérêts des enseignant-e-s pour l’action à partir de la restitution à mi-parcours ;
– Meilleure connaissance des préoccupations des parents par les professionnel-le-s de l’école.
Par ailleurs, le partenariat avec l’association locale AFIF qui soutient les enfants dans la réussite scolaire et accompagne les parents lors d’ateliers sociolinguistiques, a permis de toucher des familles en difficulté : une dizaine de familles dont les enfants sont inscrits à l’école élémentaire Château des Rentiers, est aussi inscrite à l’AFIF. De plus, des parents qui ne connaissaient pas cette association, ont pu découvrir les services proposés qui répondent à certains de leurs besoins.
L’ensemble des participant-e-s a exprimé son désir de poursuivre cette action à la rentrée 2011-2012 et de l’inscrire dans la durée pour toucher un maximum de parents, notamment ceux qui sont le plus en difficulté. Pour aller dans ce sens, il a été prévu :
– D’inviter l’école maternelle, mitoyenne de l’école élémentaire, à participer à l’action ;
– D’imaginer un partenariat incluant plusieurs associations locales en mesure de répondre aux besoins décrits par les parents (notamment par l’intermédiaire de l’EDL) ;
– D’inclure dans les réunions du comité de pilotage un parent d’élève qui porterait le point de vue des autres parents participants aux papothèques.